dimanche 4 novembre 2012

Un Dieu qui exige des choix clairs

- Deutéronome 30, 15 à 20 -
 



Tout le monde connaît la différence entre un pessimiste et un optimiste (je vous passe l'histoire du verre à moitié plein, à moitié vide) : Un pessimiste, c'est un gars qui regarde des deux côtés avant de traverser une rue à sens unique. Autrement dit : Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l'opportunité dans chaque difficulté.

C'est sans doute pour cette raison que l'on dit que le monde appartient aux optimistes, et que les pessimistes ne sont que des spectateurs. Est-ce pour autant vrai qu'aucun pessimiste n'ait jamais découvert les secrets des étoiles, navigué jusqu'à des terres inconnues, ou ouvert un nouveau chemin pour l'esprit humain ? Je ne sais pas. Mais il semble en effet que les optimistes crient que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. Les pessimistes craignent que cela soit vrai. En règle générale, on dit que le pessimiste est tout simplement mieux informé que l'optimiste, et c'est pourquoi on peut se sentir très optimiste quant à l'avenir du pessimisme. Un pessimiste n'est jamais déçu.

Or, chers amis, ne croyez pas que je prêche ici le pessimisme, ou bien l'optimisme. Je pense que les deux attitudes sont des formes du fatalisme, cette vieille idée humaine selon laquelle le monde dans son ensemble, et l'existence humaine en particulier, suivent une marche inéluctable, qu'elle soit positive ou négative ; l'idée d'un monde où le cours des événements échappe à la volonté humaine. C'est une idéologie qui au départ vient de certaines religions où la fatalité est associée aux "dieux" et au "ciel". Le "destin" y est fixé d’avance par une puissance supérieure aux êtres humains, qui peut être un dieu, ou bien la nécessité naturelle, ou encore les "lois" gouvernant l’histoire. Le fatalisme est un déterminisme, qui nie la liberté de choix de l’homme et la possibilité de contribuer par notre choix au bonheur comme au malheur de l'humanité.

Le texte que nous avons lu dans le livre du Deutéronome s'inscrit radicalement en faux contre cette doctrine néfaste. Avec la Bible, il ne s'agit pas seulement d'affirmer que le choix est possible, mais qu'il est obligatoire ! Dieu te dit : J'ai placé devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur. Choisis la vie !

On est là au coeur de la relation avec le Dieu de la Bible : c'est une vie responsable devant un Dieu exigeant. En entend souvent la critique que "la religion" en général rendait les gens irresponsables, incapables à affronter la dure réalité, etc. : voici la preuve que le Dieu de la Bible se moque d'une telle religion comme de l'an quarante !

On entend aussi, à l'intérieur des Eglises, l'idée que notre chemin de vie serait tout tracé, qu'il n'y a pas de problème dans la vie que Dieu n'aurait pas prévu d'avance (voire programmé pour mieux nous éprouver), avec la solution clé en main (même si on ne la comprend pas), qu'on n'a donc qu'à se laisser tomber, Dieu nous aurait déjà rattrapé... Non !

Le Dieu de la Bible n'est pas le dieu du sort immuable, et la vie avec lui n'est pas une fatalité ! Sa devise pour nous est : Tu es responsable ! Choisis la vie, et fais gaffe à ne pas t'égarer entre tous les choix que tu auras à faire.

Nous savons bien que ces choix ne sont pas toujours des choix de vie ou de mort. Cela commence par des toutes petites choses. Si tu allais dire un ânerie, ne la dis pas ! Si tu a fait une bêtise, ne la fait plus !

Au quotidien, ces maximes un peu simplistes sont si difficile à appliquer parce qu'elle nécessitent en fait une énergie intellectuelle et physique considérable. Elle nous invitent à anticiper sur nos paroles et nos actes à partir d'une mémoire de la vie qu'il faut savoir entretenir, ordonner, organiser. Et ça, c'est assez fatiguant !

Les commandements de la Torah ne sont en fait rien d'autre qu'une façon d'entretenir, d'ordonner et d'organiser la mémoire de la vie humaine, pour nous aider à anticiper sur nos petites âneries et nos grosses bêtises.

Refuser le fatalisme, cela commence donc dans ces petites choses : Reconnaître que des âneries, on en dit plein, que des bêtises, on en fait plein, et d'essayer de ne pas en rajouter trop.

Mais quand on vient aux choix plus grands, plus lourds, plus pesants, il devient encore plus difficile d'opérer des choix clairs et donc durs. Ce sont des situations que nous vivons comme des épreuves : choisir une orientation professionnelle ; choisir de continuer ou d'arrêter à travailler dans un domaine qui bat de l'aile ; investir ou non son énergie et son argent dans une affaire dont la réussite est plus qu'incertaine ; vivre ou rompre avec une personne dont on ne partage pas ou plus les aspirations profondes...

Combien de fois avons-nous choisi de ne pas choisir pour éviter l'épreuve de nos sentiments, pour "ne pas choquer les gens", pour garder toutes les options aussi longtemps qu'il n'y en avait plus aucune. Combien de fois avons-nous dit, devant un choix important, "Je ne suis pas contre, mais je ne suis pas pour", en évitant ainsi d'être sincère avec nous-mêmes et de prendre nos responsabilités ?

Il me semble que le plus grand des risques dans la quête de la bonne vie serait de dire qu'il ne faut pas choisir, qu'il suffit d'aller un peu dans un sens, puis dans un autre, et de compter finalement sur "sa bonne étoile", sur un "sort favorable", ou un dieu qui décide pour nous. L'autre risque, très religieux aussi, serait de croire qu'ayant choisi une fois pour toutes la bonne voie, on est donc incontestablement sur le chemin du bonheur. Frères et soeurs, devant ce texte, notre vie est tout au long de notre chemin posée devant le choix du bonheur et du malheur !

Je me demande finalement si c'est une si bonne nouvelle d'être obligé de choisir. N'est-ce pas plus rassurant que de savoir que le Destin ou un dieu omniscient auraient choisi pour nous ? Nous qui prions Dieu que "Sa volonté soit faite", ne pouvons-nous pas compter un tant soit peu sur le "soutien du ciel" dans nos choix ?

Dans notre responsabilité ressentie comme étant parfois lourde, nous pouvons en tous cas nous souvenir qu'avant tous nos choix, Dieu nous a déjà choisi, et que nous sommes toujours au bénéfice de sa vie avec nous, dans la responsabilité de construire le bonheur. Dieu ne dit pas : Choisis la vie, mon enfant, parce que je ne sais pas quoi faire... Il dit : "Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, en aimant le SEIGNEUR, ton Dieu, en l'écoutant et en t'attachant à lui : c'est lui qui est ta vie, la longueur de tes jours, pour que tu habites sur la terre que le SEIGNEUR a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob." -

Dieu ne nous impose pas son choix, mais il propose la trace d'un chemin de vie qui fait sens. Tous les problèmes et toutes les difficultés sont loin d'être résolu d'avance, mais Dieu nous fait confiance et nous encourage à les affronter comme des opportunités pour connaître notre liberté. Dieu nous veut libres, et il croit en chacun de nous pour y arriver. La fameuse doctrine calviniste de la prédestination ne signifie pas que nous n'ayons plus de choix à faire, mais que le seul choix que nous ne pouvons pas faire de nos propres forces, le choix de la vie avec Dieu, c'est Dieu qui l'a fait pour nous : il a choisi d'être avec nous.

Faire des choix, peser toutes les options, se sentir parfois déchiré dans un dilemme, ce sont donc des lieux de la rencontre avec Dieu. Non seulement nous pouvons nous faire confiance, puisque Dieu nous fait confiance ; mais puisque Dieu exige le choix, nous pouvons aussi exiger des autres qu'un choix commun soit clairement annoncée et énoncée, expliquée et communiquée.

La Bible, qui paraît si souvent pessimiste par rapport à notre capacité de "choisir la vie", rend fondamentalement superflu toutes les attitudes pessimistes, optimistes ou fatalistes. Dieu n'est ni pessimiste ni optimiste, et surtout pas fataliste : il croit en toi, en connaissant les riques. Il te bénit, ce qui veut dire : il te donne toujours une nouvelle chance pour choisir la vie. AMEN.