dimanche 24 mars 2013

Ce Dieu qui vient

Dimanche des Rameaux
- Evangile selon Jean, chap. 12, vv. 12 à 19 -

Le Dieu qui vient est comme un pauvre homme sur un ânon ridicule, un homme qui est conscient d'aller vers sa mort. Le cortège anti-triomphal autour de Jésus sur l'âne change notre façon de penser la religion même. Elle n'est plus le lieu de l'attente d'une intervention d'un dieu bling-bling, l'affrontement entre ciel et terre, entre naturel et surnaturel, mais elle est le lieu où la relation à l'autre est vécue en vérité.



Hosanna ! Sauve maintenant ! crient les foules.


Hosanna, détrompez-vous ! répond Jésus.

Quel décalage entre Jésus sur son ânon et la foule qui crie son espoir de changement du monde ! Et quel décalage entre ce cortège anti-triomphal et l'image des processions radieuses et aveuglantes que nous connaissons par ailleurs !

Nous avons vu, cette semaine, les images des foules sur la place St-Pierre à Rome. Une foule certes moins dense que prévue - un peu plus de 100 000  personnes, contre le million annoncé par les autorités italienne et vaticanes -, a assisté, mardi 19 mars, à la messe d’installation du pape François, intitulée, de manière inédite, « célébration pour le commencement du ministère pétrinien de l’évêque de Rome ».

Et même si c’est par une homélie simple et accessible, axée sur "la protection" de l'homme et de la Création, ou le pape a précisé la conception qu'il se fait de son rôle de pape, citant une phrase de Pierre  ("N'oublions jamais que le vrai pouvoir est le service"; service "humble et concret" rendu "aux plus pauvres, aux plus faibles, aux plus petits, à celui qui a faim, soif, est étranger, nu, malade, en prison"), s’il a placé les débuts de son pontificat sous le signe de la simplicité, souhaitant une "Eglise pauvre pour les pauvres", toute cette procédure d’élection d’un leader me rappelle paradoxalement le cri « Sauve maintenant », ce même cri d'un espoir que "quelqu'un" vienne enfin sauver et changer ce monde en décomposition.

Je ne sais pas si le nouveau pape a été impressionné par ces cris d'espoir qui traversent toutes les médias, formulant des attentes les plus folles, allant d’une simple réforme de la curie, en passant par une réformation en toutes pièces de l’Eglise catholique, jusqu’à une réaffirmation d’une intervention divine proche dans différentes guerres !

Mais je sais une chose, en lisant avec vous l'Evangile selon Jean ce matin (et je pense que le pape François le dirait également)  : Jésus ne s'est pas laissé berner par les cris de la foule qui hurle "Hosanna ! Sauve maintenant !"

Hosanna, détrompez-vous ! répond Jésus sur son ânon : Dieu ne vient pas comme vous l'attendez… il ne vient même pas "en dieu bling-bling", mais en homme pauvre.

Ah oui, mais... on le sait, n’est-ce pas ? On l’a compris, depuis le temps ? Ne nous méprenons pas, chers amis : Toutes ces foules qui crient l'espoir que le monde change grâce à une intervention du "Très Haut", ce ne sont pas des gens niais, ces andouilles qui n'ont toujours pas compris… non, non, cette foule, c'est bien nous !

C’est nous qui espèrent et croient dans nos coeurs et dans notre religion que seul un dieu peut encore sauver ce monde…

Et c’est à nous qui espèrent et croient dans nos coeurs et dans notre religion que Dieu va venir comme un chef, avec une démonstration de force, entouré et acclamé par la foule ; c’est à nous tous que Jésus sur son ânon ridicule répond : Détrompez-vous ! Dieu ne vient pas comme vous l'attendez… il ne vient même pas "en dieu", mais en homme pauvre, en pauvre homme.

La fête des Rameaux, où l'on semble célébrer le dieu bling-bling venant avec gloire et force, est en vérité la célébration d'un tout autre, qui vient tout autrement. Les Rameaux, en prélude de la fête de Pâques, nous annoncent ce que nous avons du mal a entendre : aucun dieu ne viendra sauver la monde comme nous l'attendons ! Aucun dieu surnaturel ne s'imposera sur le naturel humain. Le Dieu qui vient, il est comme un pauvre homme sur un ânon ridicule, un homme qui est conscient d'aller vers sa mort.


Ce Dieu qui vient, vient donc à l'encontre de nos espoirs d'une divine intervention qui changera le monde et notre vie. Il vient pour nous dérober nos idées d'un dieu sur-puissant ; il vient nous dire : dans votre désespoir humain et vos espoir divins, ne vous dérobez pas la vue pour cet autre, à côté duquel vous passez tous les jours sans le voir.
Cet autre qui vit au près et au loin, qui vit dans l'appartement en face ou dans les bidonvilles de Buenos Aires.

Dieu vient diriger notre regard vers la terre, au lieu de le fixer au ciel : voici le vrai défi de Pâques.

Et Dieu sait que c'est une véritable provocation pour nos espoirs humains. Car tout nous pousse à penser que ce monde, sans intervention divine, est fichu.

Entre la joie de vivre et le désespoir de voir la vie de tant d'hommes, de femmes et d'enfants bafouée, Jésus sur son ânon nous lance un "Hosanna, détrompez-vous". Dieu ne vient pas comme vous l'attendez… il ne vient pas "en dieu bling-bling", mais en homme pauvre.

Nos cérémonies, nos cultes, nos processions, nos actions et nos prières devraient en être un miroir ; tout notre projet de vivre le temps qui nous est donné devrait être trempé de cette clairvoyance divine : détrompez-vous, il n'y aura pas de dieu surnaturel et surpuissant qui s'imposera sur le naturel humain. Le Dieu qui vient, il est comme un pauvre homme sur un ânon ridicule, un homme qui est conscient d'aller vers sa mort.

Ainsi, le cortège anti-triomphal autour de Jésus sur l'âne change notre façon de penser la religion même. Elle n'est plus le lieu de l'attente d'une intervention d'un dieu bling-bling, l'affrontement entre ciel et terre, entre naturel et surnaturel, mais elle est le lieu où la relation à l'autre est vécue en vérité, sans violence et altruisme fusionnel, sans illusions; mais avec l'espoir que de cette relation entre un Moi et un Tu naîtra l'avenir. AMEN.