vendredi 24 mai 2013

Vivre pour travailler, travailler pour vivre ?

Méditation pour "respire une heure ailleurs"
- Evangile selon Luc, chap. 10, vv. 38 à 42 -

Je me permets de m'adresser un chacun et chacune de vous très personnellement :
Êtes vous une Marie et ou êtes vous une Marthe?
Au premier réflexe, quelle des deux attitudes vous est plus proche?
Celle de Marie, qui s'assoit "aux pieds" de Jésus et "écoute sa Parole",
qui -pour ainsi dire- se laisse servir par Jésus?

Ou celle de Marthe, qui d'abord invite Jésus (ce qu'on oublie souvent !)
et qui assume ensuite la charge d'hôtesse, et qui s'occupe donc à le servir ?

Préférez-vous : Marie la passive, ou Marthe l'active sinon l'activiste?
Marie la protestante, ou Marthe la catholique? (puisque c'est ainsi même que l'on a compris ce texte !) 
Marie la pieuse, ou Marthe la politique?
Marie qui travaille pour vivre, ou Marthe qui vit pour travailler ?

Où peut-être ressentez-vous le piège qui est compris dans ce choix impossible ?
   
Car ce petit texte a inspiré des polarités hautement idéologiques, pendant deux mille ans de lectures d'Église, qui se justifient souvent davantage par le besoin des différents lecteurs de comprendre et donc de classifier les attitudes religieuses de leur temps.

On a ainsi déclaré que Marie contre Marthe, c'était…
la foi contre les oeuvres (Luther) ;
la volonté d'apprendre contre la volonté de se contenter de ce qu'on savait déjà (Calvin) ;
la contemplation contre l'animation, voire agitation religieuse ;
la dévotion contre la discipline ;
la mystique contre le travail ;
la spiritualité contre l'activité ;
l'Église contre le monde.

Je crains que ces polarités aient pu produire une image totalement fausse de la vie chrétienne.
Si vous ne voulons pas nous accommoder à ces polarités, nous constatons d’abord que Jésus, dans l’Evangile, ne condamne pas l'attitude de Marthe. Le travail, l'activité au bénéfice de tous a sa place dans la vie chrétienne. L'attitude de Marthe n'est pas celle d'une fanatique religieuse qui fait tout et uniquement pour "gagner son ciel". Marthe n'est pas une Anti-Marie, et Jésus ne s'adresse pas à Marthe pour lui interdire son travail.

Je pense il s'agit plutôt de mettre en évidence la relation à Jésus qui fonde une nouvelle relation au travail et à la vie spirituelle. L'importance de Jésus, ce n'est pas son "statut" comme un "objet religieux" - car Jésus ne se met pas au centre de notre foi. Au contraire, à travers la prédication de Jésus, ce sont monde et ses hommes, et notre travail qui contribue au bien-être de la société, qui deviennent un thème de la vie spirituelle, et vice-versa. La foi chrétienne ne vise pas à adorer Jésus, mais bien le salut du monde ! Avec Jésus, on dirait en effet : L’homme existe, je l’ai rencontré quand il m’a accueilli, servi, écouté...

C'est de cette attitude que Jésus parle quand il s'adresse à Marthe, en lui disant : tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses. Une seule est nécessaire...
Pendant que Marie reconnaît son rôle de messagère d'une nouvelle façon d'être une femme ou un homme libres au service de la liberté des tous, Marthe incarne le vieux souci de l'humanité de "servir un dieu" pour s'acquitter d’un devoir religieux. Heureusement, Jésus nous incite à dépasser cette opposition entre travail et vie spirituelle, entre religion et liberté, quand il disait : "Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir".