vendredi 31 mai 2013

Lâcher prise

"respire une heure ailleurs"
- Genèse, chap. 12, 1+2 -

Lâcher prise, ça ne s’improvise pas. Il est manifestement assez difficile de laisser aller notre besoin de contrôle, parce que nous nions ou parce que nous sommes très peu conscient des peurs liées à l’absence de contrôle de ce qui est à venir. On peut craindre des autres qu’ils nous dominent, avoir peur de se tromper, peur de ne pas être adéquat, peur de manquer de quelque chose.




Plus on cherche à prédire l’avenir, à contrôler que ce soit les collègues, le conjoint, ses enfants, une manière de faire les choses, l’opinion des autres ou même son apparence, plus cela est signe d’insécurité et moins on est capable de lâcher prise.

Lâcher prise est un acte de confiance. Cela nécessite l’acceptation de nos limites, la reconnaissance des autres dans leurs différences et la capacité de faire avec ce qui est dans le présent.
Le besoin de contrôle nous fait nous acharner sur ce qui aurait pu être ou ce qui devrait être et oublier ce qui est présentement.

C’est cela qui m’intrigue, dans la bénédiction d’Abram que nous avons lue : cette bénédiction est un acte d’une étrange confiance, on dirait c’est un lâcher prise de la part de Dieu. 

Est-ce que nous sommes tous au clair sur ce que cela veut dire, une bénédiction ? Une « grâce et faveur accordées par Dieu », pensons-nous habituellement. Mais dans la perspective de l’envoi que nous venons d’entendre, la bénédiction est une aventure d’un autre format. D’après cet envoi, recevoir une bénédiction, c’est lâcher prise du souci de l’avenir pour partir dans un pays que Dieu seul nous montrera.

La bénédiction, c’est un voyage dans la tête, dans le cœur - un voyage qui demande beaucoup plus qu’un départ en vacances.

Combien de gens d’aujourd’hui ont fait des voyages extraordinaires partout dans le monde : plages de rêve en Asie, ski de fond en Alaska, San Francisco–Acapulco en vélo, Sydney–Tahiti en planche à voile et que sais-je encore… mais dans leur tête, en croirait qu’ils n’ont jamais fait Strasbourg-Kehl à pied, je veux dire : qu’ils ont jamais quittés leur petite foi là-dedans (tête).
 
Car justement, recevoir la bénédiction de Dieu pour lâcher prise, c’est partir dans sa tête.

Imaginez que cette église soit un avion. Vous avez mis vos ceintures ? Nous venons de décoller pour le voyage de la bénédiction. Évidemment, ce vol nous demande un peu de confiance, puisque nous n’avons jamais vu le pilote. Nous savons seulement qu’il a une expérience de vol inégalée de plus de 2000 ans... Tout de même, il ne sort jamais de sa cabine !

Au moins, nous partons avec le catalogue de notre agence de voyage en main (Bible) : là-dedans, toutes sortes de destinations sont disponibles : Les plages de rêve des Béatitudes, les voyages d’étude dans le monde gréco-romain avec comme guide le fameux professeur Paul, les expéditions dans le désert avec le très expérimenté Moïse, la manne incluse dans le prix … Regarde ce pays ! Tu ne le vois pas avec tes yeux, mais avec ton cœur.

C’est donc cela, recevoir la bénédiction dans la foi en Christ : partir dans ton cœur. Pour ce départ, il faut laisser ce que tu crois savoir et ce que tu crois croire (ou ne pas croire) : car la foi, ce n’est jamais ce que nous croyons avoir compris une fois pour toutes.

Recevoir la foi, c’est deviner à tout âge que le chemin devant toi est encore long, qu’après toute une vie c’est toujours comme si le voyage vient juste de commencer, que les monuments et les aventures les plus exceptionnels sont encore à venir.

Mais ce périple ne sera pas toujours facile. Pour le voyage de la bénédiction, il n’y a pas d’assurance annulation, vous n’êtes pas remboursé à la sortie de l’église si votre départ s’avère impossible.

Car pour participer à ce voyage, Dieu nous appelle à tout quitter. Il nous fait quitter notre sécurité, et surtout cette quiétude flasque dans notre tête qui nous guette à tout bout de téléviseur dans une société de consommation.

Ca alors ? Quitter le confort de mes idées toutes faites ? Laisser en friche la belle villa de ma petite religion – ou anti-religion – si commode, si bien rangée, si propre  – en échange des nombreuses chambres d’hôtel de la foi, parfois sans douche, toilettes sur le palier ? Il faut en plus prendre le risque d’un voyage dont l’heure d’arrivée n’est pas connue avant le départ ? Un voyage qui va durer toute ma vie, voire plus ?

Là, évidemment, j’ai peur, j’ai du mal à me décider. Et regardez combien de voyageurs se plaignent auprès de la direction ! Et combien changent de compagnie aérienne, parfois même en cours de vol ! (Je ne veux même pas parler de ceux qui prennent les « compagnies à bas prix » pour le voyage de la foi…)

Bon, il y aussi d’autres qui sont très satisfaits du service. Ceux-là même qui nous disent que l’atout imbattable de ce voyage de la bénédiction est le service 24/24, 7/7, fidèle à la devise de la maison : JE SERAI AVEC TOI.

Par rapport à ce voyage-là – le voyage de la bénédiction –, je vous le dis : Sydney-Acapulco en vélo, c’est sans intérêt !

J’espère que ce voyage vous permettra, de temps en temps, de lâcher prise, lors du vol de la bénédiction, quand nous irons voir le pays que Dieu nous montrera. Amen.